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18 décembre 2013 3 18 /12 /décembre /2013 08:29

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Plusieurs études pertinentes sur les causes économiques de la xénophobie au pays de Mandela ont été publiées. Cependant, pour avoir été à la fois témoin oculaire et en avoir fait un thème de recherche depuis quelques années déjà, nous soutenons qu’il en existe d’autres qui n’ont pas suffisamment retenu l’attention des chercheurs, journalistes ou analystes. Ceci est le premier d’une série d’articles qui en comprendra quatre.

Le souvenir des troubles liés à la xénophobie  de mai 2008 en Afrique du Sud, lesquels firent un bilan de 62 morts et des centaines de blessés, sans parler du traumatisme créé chez beaucoup d’immigrés, est encore présent dans la mémoire de beaucoup. Certes, plusieurs études ont été publiées depuis, des forums organisés à travers le pays, des campagnes de sensibilisation menées à la fois pour comprendre, s’expliquer  ou simplement conjurer le drame. Cependant, seule la naïveté donnerait à penser que ces évènements-là ne furent qu’un simple feu de paille. Au contraire, les causes profondes de cette tragédie sont intactes et nous gagnerons à les identifier.

Les évènements incriminés sont le fait de plusieurs facteurs enchevêtrés que nous subdiviserons en deux causes majeures pour des raisons pratiques. La première, que nous examinerons dans cet article-ci et le suivant, est à situer dans l’histoire même du pays, c’est-à-dire dans le contexte interne. Les éléments ci-après l’expliquent: l’isolement des citoyens Noirs par rapport à la communauté immigrée, le déficit d’instruction de certains autochtones, une histoire marquée de bout en bout par la violence et le fait que l’immigration africaine au pays de Mandela est un phénomène récent.

L’isolement des Noirs sud-africains face aux immigrés africains. Les Noirs sud-africains voyagent peu à l’extérieur de leur pays. D’ailleurs leur connaissance de l’Afrique est sommaire, se limitant souvent … au Zimbabwe ! Cette attitude ne traduit cependant ni un manque d’intérêt à l’égard du continent Noir ni un rejet de celui-ci. C’est que voyager à l’intérieur de leur territoire national n’est pas très prisé par eux. Par exemple, peu de Xossa  originaires du Cape Oriental vivent dans la province du Gauteng (région comprenant Johannesburg et Pretoria). Les Zulu du Kwazulu Natal (côte Est du pays) quant à eux, ne sont pas légion au Cape Occidental (situé au Sud-Ouest). Il est intéressant de noter que l’exode rural se fait généralement en partant du village d’origine vers le grand centre urbain de la même province et rarement loin de chez soi. Les conditions économiques favorables des grandes villes locales et des métropoles comme Johannesburg et Cape town ont longtemps favorisées cette sédentarisation.sa.jpg

 

Cette faiblesse de flux de populations autochtones à travers le pays ne peut être sans conséquences. Ceux qui franchissent rarement les limites géographiques de leur contrée d’origine se montrent  réticents à s’ouvrir aux étrangers auxquels ils ne sont pas habitués. Que des hordes des xénophobes aient déferlé des townships plutôt que des quartiers huppés de Johannesburg ou de Cape Town n’indique pas uniquement que la précarité de ces jeunes Noirs est le seul facteur sous-jacent. Il s’agit aussi du rejet de ˮ l’étranger ˮ (concept entendu dans son sens premier : qui provient d’ailleurs, donc différent quelqu’un auquel on ne s’identifie pas, par conséquent pour lequel on n’éprouve pas de la sympathie).

 

Si nous ajoutons à cela le fait que très peu d’immigrés habitent les townships, lieu où résident nombre de ces Noirs, on comprend l’ampleur de l’éloignement géographique entre deux communautés vivant pourtant côte-à-côte. Les contacts entre ces deux communautés sont très réduits, sinon se limitent a l’essentiel. Demandez à un Black s’il a un ami étranger et il y a beaucoup de chance qu’il vous demande ainsi: " mais pourquoi en aurais-je? Il devrait plutôt rentrer dans son pays "!

 

ˮ Dis-moi quel est ton niveau d’instruction et je te dirais si tu es xénophobe ˮ. Il est hors de doute que le système éducatif sud-africain est l’un des plus brillants d’Afrique, même si les journalistes et ONG locaux n’en tarissent pas d’éloge. Pour preuve, il n y a qu’à voir comment  les universités de ce pays caracolent en tête des classements annuels des meilleures universités du continent. A l’intérieur du pays cependant, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, nombre de jeunes Noirs provenant des townships ne sont que des laissés pour compte et ont du mal à fréquenter régulièrement l’école, pour des raisons économiques ou autres (éclatement de la cellule familiale à la suite d’un divorce des parents, toxicomanie, choix de la criminalité, parents au chômage, etc….).imagesCA3EIN8J.jpg

Or une bonne instruction a l’avantage de rapprocher les cultures différentes en  les percevant plutôt comme une opportunité ou une richesse qu’une menace à sa propre identité. Avec le temps, une personne instruite conçoit la vie  non pas avec un esprit étroit mais sous le prisme de tolérance et d’ouverture. D’ailleurs, notre perception du monde extérieur dépend pour beaucoup de notre niveau d’instruction.

Il n’est donc pas étonnant que ce soient des Noirs sud-africains instruits qui organisèrent les  campagnes de sensibilisation anti-xénophobie à travers le pays. Ce sont encore eux qui se sont montrés plus sympathiques à l’égard des victimes. Pareillement, c’est dans la frange des moins instruits que se trouvent ceux qui tolèrent mal la présence des immigrés qu’ils qualifient de  façon péjorative de ˮ makwere-kwere ˮ, insulte que rarement les élites sud-africaines. Dès lors, aucun doute n’est permis : plus l’instruction est élevée, plus tolérant l’on est. Et moins l’on est instruit, plus on est xénophobe. (A suivre).

          

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