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9 avril 2014 3 09 /04 /avril /2014 13:24

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Le développement croissant des technologies d’information et l’extension des réseaux sociaux posent un défi non seulement aux centaines de milliers de congolais détenteurs de diplômes universitaires mais aussi à des millions d’autres qui ne disposent que d’une forme ou une autre d’instruction. Il s’agit de saisir l’opportunité qu’offre cet attirail du modernisme pour en faire un outil d’expression.

Plutôt que de s’imaginer que le simple fait de disposer des diplômes ou d’avoir fréquenté telle institution d’enseignement célèbre nous qualifierait d’intellectuel, c’est en réalité notre capacité d’appliquer sur le terrain – en l’occurrence la RD Congo - notre savoir-faire pour comprendre, interpréter, proposer des solutions, analyser ou expliquer qui fera la différence. Bloguer est l’un des moyens d’y parvenir.

Tenir un blog c’est disposer d’une page personnelle sur internet, hébergée par un provider (WordPress, Blogger, Overblog, etc.) où l’on publie régulièrement des articles, des histoires, des photos, des dessins, etc. En bref on s’y exprime. D’une manière générale c’est gratuit et très convivial. Le public y a accès pour peu que vos articles l’intéressent, qu’il connaisse votre adresse et soit connecté. Aujourd’hui, l’engouement  sur le continent Noir est tel que les blogs se comptent par centaines de milliers.

Beaucoup de compatriotes bloguent aussi. Néanmoins, leur nombre est très insignifiant quand l’on pense au taux de congolais en mesure de le faire, aux qualifications de la plupart d’entre eux, ainsi qu’aux opportunités dont ils disposent et dont ils pourraient tirer parti.

Pourquoi bloguer est un défi pour beaucoup de Congolais. Si l’obtention d’un blog est de plus facile, pour un Congolais moyen cependant, bloguer pourrait ressembler ni plus ni moins qu’à un saut d’obstacles. Le premier défi est de disposer d’un ordinateur, très couteux (300$). Il faudrait ensuite une connexion internet  dans un pays où le taux d’accès à l’internet est d’environ 3%. La connaissance (même rudimentaire) de l’informatique n’est pas toujours répandue. Une fois que vous vous mettez à publier des articles, une autre difficulté vous attend au tournant : un lectorat réduit en raison de l’aversion du congolais pour la lecture ! blog.png

En comparaison, Facebook semble attirer plus de compatriotes. Mais bloguer c’est autre chose que d’aller sur Facebook. D’abord, reconnaissons que remplir une page blanche est toujours intimidant. Ensuite, suivant votre thème de prédilection, un blog peut être est demandeur : peut-être auriez-vous besoin d’effectuer quelque recherche  supplémentaire pour mieux étoffer votre sujet (résultat d’enquête, définition, des exemples, date, lieu précis, noms, etc.). Sur un blog, pas de place non plus pour le "langage sms" ou du genre Twitter. Non seulement il vous faut aligner des phrases, mais des arguments pourraient s’avérer nécessaires. La connaissance de la grammaire de votre langue d’expression n’est pas inutile non plus.

Des atouts du Congolais pour bloguer. Ne dramatisons rien : le congolais est connu pour  être " débrouillard " dont l‘esprit d’entreprise est une arme face à l’adversité. Pourquoi ne pas " se débrouiller " afin de parvenir à bloguer ? S’il n’est pas possible d’avoir un ordinateur propre, pourquoi ne pas fréquenter un cybercafé et y publier ses articles ? Si des difficultés de syntaxe se posent, il y a lieu de solliciter l’aide d’un voisin ou d’un enseignant du quartier. Pour avoir des lecteurs, pourquoi ne pas passer votre adresse à vos centaines "d’amis" sur Facebook ou même y publier aussi ?

Que dire des idées ? Le congolais est disert, il aime parler, relater des faits. Il est possible de coucher quelques idées sur un papier et de les corriger encore et encore. A force de vous relire, vous arriverez tout ou tard à un texte acceptable. De par votre formation ou vos aptitudes ou même votre localisation, vous pouvez traiter un thème qui vous plait et que vous maitrisez.

Un diplômé en agriculture pourrait s’intéresser à cet aspect-là et relater ou analyser, dans des articles courts, ce qu’il en est là où il habite et y ajouter quelques photos. Un habitant d’une cité quelconque peut écrire à propos de ce que font les gens pour vivre, ou de l’actualité. Un Congolais de l’étranger peut concevoir un journal où il parlera des faits liés à la vie des congolais dans son pays d’accueil, des difficultés d’insertion et comment certains les ont surmontées. Ce sont des créneaux à saisir et ils ne sont pas exhaustifs.

Des pièges à éviter. Fuyez la facilité qui consiste par exemple à " piquer " des idées chez certains sans en révéler la source. Gardez-vous de faire simplement du "copier/coller" : si vous trouvez un article intéressant, ajoutez-y votre point de vue, ne vous sous-estimez pas car quel qu’il soit, il émane de vous et c’est important.

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D’autres pièges consistent à traiter d’un sujet que vous ne maitrisez pas, comme beaucoup le font avec les sujets politiques. Evitez aussi de vous faire une tribune où vous vous en prendrez aux autres (à d’autres tribus ou rivaux politiques) à travers les insultes. La dignité humaine doit être respectée, qu’il s’agisse d’un balayeur de rue ou d’un chef d’Etat. Celui qui recourt aux insultes, comme malheureusement c’est "la règle" sur la blogosphère ou des forums congolais, s’avilit et seuls ceux qui lui ressemblent lui donneront du crédit. Répandre des rumeurs n’est pas non plus à encourager.

De manière brève, un article bien conçu s’efforce de répondre à ces questions essentielles : Qui ? Quoi ? Comment ? Où ? Pourquoi ? Tout en le rédigeant, donnez-vous pour obligation d’y répondre et de vous en tenir qu’aux faits, sans y " ajouter du piment ", c’est-à-dire des contre-vérités.

Bloguer, une façon intellectuelle de s’exprimer. Nous conviendrons tous qu’il est beaucoup plus facile de parler qu’il ne l’est d’écrire. Tout le monde peut parler mais tous ne peuvent écrire. En parlant, on ne fournit pas beaucoup d’effort sur l’agencement des idées ni suffisamment d’attention sur la syntaxe. Or un bloggeur écrit. En écrivant, vous veillez aux détails : la grammaire, la véracité des faits, les dates, l’argumentaire, conscient que nombreux vous liront probablement car votre souci est de faire bonne impression. Et puisque vous avez bénéficiez d’une instruction, ce dont il est question sur votre blog ne pourra qu’être utile à la communauté.

Quoiqu’il en soit, rappelez-vous du dicton " c’est en forgeant qu’on devient forgeron ". Quoique difficile et ardue au début, la tâche de bloguer deviendra facile avec le temps et l’habitude. Au fil de temps, vous aurez de la maitrise de vos sujets et les internautes visiteront votre page régulièrement. Avec le temps et grâce à votre opiniâtreté, votre touche personnelle finira par être reconnue. Alors, plutôt que de brandir des diplômes, vous pourriez dire : " je blogue, donc je suis ! " 

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17 mars 2014 1 17 /03 /mars /2014 15:02

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Né en 1931, c’est très jeune qu’il entre en politique (1958) en tant que chef de cabinet de M. Albert Kalonji, alors président de la sécessionniste province du Sud-Kasaï.  SI sa carrière politique n’a pas été aussi flamboyante  que celle des autres "poids lourds" de sa génération (MM. E. Tshisekedi ou J. Ngalula), ce n’est pas seulement à cause des responsabilités plutôt "ordinaires" qu’il a eu à assumer (gouverneur de province, diplomate ou sénateur).

 

Manque de charisme et de vision politique. C’est probablement lorsqu’il crée sa propre formation politique que l’on en sait plus autant sur ses idées que sur son poids politiques. En effet, la Radeco, n’est qu’un de ces multiples partis politiques "alimentaires" qui existent en RD Congo.  Or être à la tête d’un groupuscule aussi obscur (même s’il s’est félicité d’avoir amené quelques sénateurs dans la chambre haute) dénote non seulement un manque de charisme, mais aussi une absence de vision politique consistante à même de faire rêver ses compatriotes et de susciter l’adhésion des masses.

 

Cela dit, il est frappant de remarquer que malgré quelques "trous d’air" ou passage dans le désert inhérent à toute carrière, il est demeuré fidèle à celui qui l’avait nommé dès 1960 à son premier poste à caractère national (de Commissaire général-adjoint) : Mobutu. Sous lui, il fut plusieurs fois gouverneurs et ambassadeur. Que le Marechal avait confiance en cet homme, cela se révèle aussi quand il le nomme PDG de la société de diamant MIBA (1986-1992), un poste envié et très juteux dans un pays où la corruption et la mauvaise gestion sont rampantes.

 

Un témoin privilégié et aphone de l’Histoire. Faudrait-il en conclure que la vie de cet ancien élève du Petit séminaire de Kabwe, au Kasaï Occidental n’est  pas faite de hauts faits ? Paradoxalement, ce n’est pas sur le terrain politique qu’il remporte des victoires mais en… football, lorsqu’il prend la tête de Daring Faucons (CS Imana) de Kinshasa! Son mandat à la tête de cette équipe reste l’un des plus brillants dans son histoire.

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Il n’empêche, personne ne peut nier que M. Munkamba n’a pas été pas un des témoins privilégiés de notre histoire collective? Enfant, j’ai fréquenté l’Institut Saint Jean-Baptiste de la Salle, à Baudine I (Mbuji-Mayi). En ces début des années 70’-là, les plus âgés nous indiquaient une immense concession bordée d’eucalyptus située à une centaine de mètres de l’école, perchée sur une colline avec une vue superbe sur le pont de la rivière Lubilanji.

 " C’est la résidence du gouverneur Munkamba. Il était là lorsqu’on tuait P.E. Lumumba " nous disaient-ils. Mais je ne l’avais jamais vu.

 

Plus tard, jeune étudiant des Sciences Po, je ne compte pas le nombre de fois où, mes collègues étudiants et moi, nous avions débattu, mené des recherches, disserte sur ce qui ce serait passe dans l’avion qui amena l’ancien premier ministre Lumumba et ses compagnons Okito et Mpolo à Lubumbashi en janvier 1961, voyage dont ils ne revirent plus. L’un des passagers de cet avion-là n’est autre que M. Munkamba.

 

Depuis 53 ans, la rumeur sur cet évènement a fini par se transformer en mythe. Beaucoup de livres ont été écrits à ce sujet par différents auteurs, les uns et les autres nous jurant la main sur le cœur qu’ils nous racontent la verite. Cependant, après la disparition de Godefroid Munongo, à l’époque gouverneur du Katanga, lui aussi impliqué dans cette affaire, il y a lieu de s’inquiéter que la rumeur demeure à jamais.

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Certes, pour ce genre d’affaire politique il y a toujours prescription. Mais après un demi-siècle, peut-on encore parler de secret qui ne soit dévoilé ? Aujourd’hui âgé de près de 83 ans, faudrait-il craindre que M. Munkamba n’emporte, lui aussi, ce secret dans la tombe ? Aujourd’hui, pour la mémoire de l’histoire, les langues vont-elles se délier ? Ou bien, comme les autres, il restera aphone jusqu’à son dernier soupir, histoire de nous rappeler que rédiger ses mémoires n’est pas congolais ?

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2 mars 2014 7 02 /03 /mars /2014 07:01

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De mémoire d’homme, partout dans le monde où les ressortissants Congolais ont été victimes d’abus (Angola, Lybie, France, Belgique, Afrique du Sud, etc.), le gouvernement congolais – lequel a pourtant compté dans ses rangs un Vice-ministre chargé des Congolais de l’Etranger – a toujours fait profil bas, et brillé par son silence, se dérobant ainsi de ses responsabilités constitutionnelles lesquelles consistent à "défendre et protéger ses compatriotes" peu importe où qu’ils vivent. Encore et encore, des émigrés Congolais ont été abandonnés à leur triste sort comme s’ils étaient devenus "des ennemis de la République", ou simplement comme quantité négligeable.

 

 

La diaspora congolaise, partenaire du gouvernement dans la stabilité nationale. Ce serait une erreur de méconnaitre le rôle que joue la diaspora congolaise dans la stabilité et cohésion nationales en RD Congo. En effet, ce sont les réguliers transferts d’argent des Congolais de l’étranger qui soutiennent à bout de bras les parents restés au pays, leur permettant de nouer tant bien que mal les deux bouts du mois, tant la pauvreté et le chômage sont criants et répandus. Même en dehors des statistiques officielles, il saute aux yeux que c’est une minorité de nos compatriotes qui ont le privilège d’avoir un "vrai travail", tandis que la grande majorité, au mieux "se débrouille".

 

 

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Il ne nous est pas possible de chiffrer le montant global des fonds qui proviennent des parents disséminés à travers l’Europe, l’Amérique, Afrique australe et celle de l’Est, voire en Australie ou Nouvelle-Zélande destines aux membres de famille vivant au pays. Il n’empêche, une chose est cependant sûre : sans ce "dépannage", il est à parier que les souffrances des populations seraient immenses. Le mécontentement aussi, d’ailleurs. En toute logique, il en découlerait des troubles sociaux. Et le gouvernement serait perdant au bout du compte.

 

 

L’exemple Nigérian. L’incident diplomatique de 6 mars 2012 entre le Nigeria et l’Afrique du Sud nous a révélé au grand jour bien des choses sur le rôle de la diplomatie pour contrer des "comportements xénophobes" en Afrique du Sud. En effet, lorsque 125 Nigérians provenant de leur pays furent expulsés à leur arrivée à l’aéroport O R Tambo de Johannesburg par les autorités d’immigration au motif d’avoir présenté "des fausses cartes de vaccination contre la fièvre jaune", leur gouvernement ne s’est pas tu. Au contraire.

 

 

Bravant la langue de bois tant prisée par les diplomates, le ministre Nigérian des Affaires étrangères annonça immédiatement les couleurs, déclarant que "cet acte n’était ni plus ni moins qu’un acte de xénophobie à l’égard des Nigérians". Mais son gouvernement ne s’arrêta pas là. Dans la foulée, 67 femmes sud-africaines furent expulsées à leur tour sous le pretexte qu'elles "etaient seropositives" ! Ce n’était pas tout : d’autres mesures de rétorsion envers les entreprises sud-africaines installées au Nigeria étaient en vue.  Même la société civile s’y mêla car sur Facebook et Twitter un bruit se propagea, encourageant les clients de la chaine câblée sud-africaine Supersports de ne plus s’y abonner ! Rappelons que le Nigeria représente un marché de plus de 60 millions de potentiels clients.

 

 

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Du coup, fait sans précédent, l’embarras de Pretoria était perceptible. Au nom du gouvernement sud-africain, le Vice-ministre des Relations extérieures, présenta ses "excuses publiques" au Nigeria (elles furent acceptées) et promit de se rendre aussitôt à Abuja, ce qu’il fit les jours qui suivirent. Pour leur part, les 125 nigérians expulsés refirent le chemin de Johannesburg. Et l’incident fut clos. Un service de Vaccination contre la fièvre jaune fut installé à l’aéroport de Johannesburg au cas où …

 

 

Question : que ce serait-il passé si le gouvernement nigérian avait fait profil bas et s’était plongé dans son mutisme ? Nulle besoin d’un dessin pour comprendre la suite : une fois expulsés, les 125 nigérians resteraient chez-eux et tout le monde oublierait l’incident, comme si de rien n’était.

 

 

Si vous vous trouvez hors du pays, il n y a rien de plus sécurisant de savoir qu’en cas de difficulté administrative ou autre, votre ambassade installée dans votre pays d’accueil viendrait au secours. Aujourd’hui, quand ils sont inquiétés dans la "nation arc en ciel" que ce soit par la Police ou les foules xénophobes, les membres de la Diaspora congolaises ne savent à quel saint se vouer. Aucun écho ne provient de l’avenue Schumann à Pretoria, où se trouve notre ambassade. Certes, il est des fois que les ONG de défense des Droits humains de Johannesburg interviennent pour sauver les meubles, mais avouons que leur poids est souvent mince.

 

 

Tant que notre ambassade fera que profil bas, face aux abus, nos compatriotes n’auront que leurs yeux pour pleurer. (A suivre : la conclusion)

 

 

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17 février 2014 1 17 /02 /février /2014 06:14

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Bien que cela apparaisse à première vue un brin provocateur, (le sujet n’a jamais été abordé), nous pensons que les émigrés africains [notre étude s’intéressera au cas spécifique de nos compatriotes congolais], ne sont pas exempts de reproches quant à la persistance de la xénophobie en Afrique du Sud, fusse-t-il à titre implicite. Nous avions eu à aborder dans la première partie de cette série d’articles tour à tour les causes exogènes et endogènes de la xénophobie dans la "Nation arc en ciel". Nous en venons à présent à la part des émigrés africains eux-mêmes. Voici la première.

 

 

 

 

Le poids économique des émigrés congolais n’est pas connu.  Dans le monde matérialiste qui est le nôtre, la valeur d’une personne – et par-delà d’une communauté – ne se mesure que de par ce qu’il représente économiquement. En guise d’exemple, prenons le cas des Blancs sud-africains. Peu nombreux soient-ils, ce n’est pas un secret de polichinelle de savoir que ce sont eux qui sont aux commandes de l’économie. Par conséquent, ils sont considérés et respectés.  

 

 

S’il n’est pas aisé de déterminer le chiffre exact de la colonie congolaise au pays de Mandela (sans doute se chiffre à quelques centaines de milliers), une chose est cependant sûre : de par le nombre de ses membres actifs sur le marché  de l’emploi local et de ses effets d’entrainement, c’est une valeur sûre, à ne pas négliger. Voyons comment.

 

 

 

Tous ces milliers de personnes sont consommatrices des produits vendus dans les grandes surfaces ou ailleurs, ils sont usagers de transport public et privé, utilisent les téléphones portables ou fixes. Presque tous sont locataires et paient souvent des prix prohibitifs [environ 200$ par chambre de 4mx5m]. N’oublions pas qu’en tant qu’employés, ils paient des taxes au Trésor public sud-africain. Qui oserait nier l’impact économique de cette colonie sur le marché local?

 

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Mais une chose est d’avoir un quelconque poids économique, une autre est de le faire savoir. C’est là que se trouve le problème. A ce jour, aucune évaluation chiffrée et détaillée de leur apport économique n’a été effectuée. Ce qui ne peut que leur être préjudiciable, et a tôt fait de les amener à être perçus à tort comme quantité négligeable, ou – osons le mot – "des profiteurs".

 

 

 

L’importance d’une pareille étude c’est de faire valoir ce qu’apportent les congolais à l’économie nationale et par

conséquent – comme dans le cas des Blancs sud-africains – les autorités y penseraient deux fois avant de chercher à se débarrasser d’un tel apport financier. Qu’arrive le jour où les membres de la communauté sont inquiétés par la Police ou par d’autres personnes, les autorités politiques, bien au fait de leur impact sur l’économie locale, viendraient elles même au secours. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, malheureusement.

 

 

 

Défis à relever ? Que pareille étude soit longue et difficile ne devrait effrayer ni décourager les uns et les autres. Personne ne le ferait à leur place. Après tout, ce ne sont pas les atouts intellectuels qui manquent au sein de la diaspora congolaise en Afrique du Sud : il y a des professeurs d’université, des chercheurs en sciences sociales, des médecins, des avocats, des membres des ONG, des étudiants, des journalistes, des politiciens, etc. Avouons que cela n’est pas peu. En plus, il est possible de trouver des financements sur place pour diligenter une telle recherche.

 

 

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Appelez cela responsabilité par omission ou négligence, mais c’est quand même une responsabilité de la communauté congolaise installée en Afrique du Sud. Aussi, tant que ce déficit de prise de conscience fera défaut et que beaucoup seraient empêtrés dans des querelles de chapelles politiques ; tant qu’ils exporteront dans leur pays hôte les controverses qui les divisent au pays et que chacun se préoccupera davantage de son confort personnel et celui de sa propre famille, la communauté congolaise restera toujours la cible des xénophobes les plus virulents sans que personne d’autre ne lève la main pour lui venir en aide. (A suivre : Une diplomatie complexée)

 

 

 

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26 décembre 2013 4 26 /12 /décembre /2013 06:17

 

 

 

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Les causes internes de la xénophobie au pays de Mandela sont à quatre. Dans le premier article de la série, nous en avions examinées deux. A présent, nous en verrons les dernières.    

 

 

Les jeunes Noirs, produits d’une Histoire violente. A l’opposé de beaucoup de pays africains dont la lutte pour l’indépendance mettait face-à-face deux armées, la gouvernementale et celle du mouvement nationaliste, la lutte de libération sud-africaine était un véritable mouvement d’insurrection dont le front de combat était situé sur tout le territoire national. Cette lutte a donné lieu à un combat à-corps-à-corps au cours duquel même les élèves du primaire ont pris part et payé un lourd tribut. Les massacres de Soweto ou de Sharpeville (1976) nous le rappellent.

 

 

La plupart de ces jeunes d’aujourd’hui ont été élevé par des parents qui ont de leur temps bravé et fait courber l’échine à la brutale armée du régime raciste Blanc de l’époque de l’Apartheid. Cela n’est pas sans laisser des traces indélébiles : contrairement à l’attitude craintive de beaucoup d’africains, les jeunes sud-africains ne sont guère intimidés par la Police.

 

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Par ailleurs, les townships où vivent la plupart de Noirs sont des viviers de violence, de criminalité et de toxicomanie. C’est un environnement où nombre de conflits se résolvent dans le sang. Quand deux jeunes sud-africains se disputent, au lieu d’entendre l’un menacer son vis-à-vis par des propos du genre " je vais te frapper" comme cela est le cas partout ailleurs, on entend plutôt l’un dire à l’autre " I will shoot you " [je vais t’abattre] ! Mis ensemble, ces éléments constituent un cocktail explosif qui s’est traduit lors des troubles liés à la xénophobie par un degré de violence extrême : maisons incendiées, même des enfants des immigrés battus à mort, de personnes brulés vives.

 

 

L’immigration en Afrique du Sud est un phénomène récent.  C’est l’instauration d’un régime démocratique en 1994 avec l’arrivée au pouvoir de l’ancien leader antiapartheid Nelson Mandela qui donna un coup d’accélérateur aux flux migratoires à destination de l’’Afrique du Sud. Sur un continent où la mauvaise gouvernance est la règle et le déni des libertés publiques une coutume largement répandue, la " nation arc-en-ciel" se situe aux antipodes et apparait à la fois comme une exception et un ilot de prospérité. Aussi l’aspiration légitime des peuples à la liberté et au bien-être y a drainé beaucoup de  ressortissants africains. Aujourd’hui, les mégapoles locales telles Johannesburg et Cape Town sont des "melting pot" où se côtoient chaque jour des dizaines de nationalités : chinois, arabes, malgaches, européens, australiens, Ethiopiens, subsahariens, sans compter les sud-africains eux-mêmes.

 

 

Un pays face à ses propres défis. Il n’empêche, une chose est d’immigrer, une autre de s’intégrer dans le pays hôte. Cependant, deux facteurs semblent ralentir ce processus. D’abord, l’Afrique du Sud, quoique présentée à l’extérieur comme une société " multiraciale et multiculturelle ", n’a pas encore évacué son propre contentieux issu du passé et qui, il n y a pas longtemps encore, produisit d’énormes frictions entre communautés raciales.

 

 

Certes, beaucoup a été fait depuis 1994  pour diminuer les frustrations endurées par les Noirs au cours de la période d’apartheid, avec l’instauration de la BEE (Black Empower Entreprise en sigle), la politique de dynamisation des cadres Noirs, laquelle concourut à la création de toutes pièces d’une classe moyenne Noire . Mais il faut reconnaitre qu’il reste beaucoup à faire, les membres des différentes races se regardent en chien de faïence et vivent cloisonnés. Comme en 1994, les Blancs votent pour l’opposition et la majorité des Noirs préfèrent l’ANC. Comme vingt ans plus tôt, Les Blancs et les "Boers Noirs" vivent dans des quartiers chics alors que la plupart de citoyens Noirs eux,  habitent les sites insalubres, à défaut des townships. Plus des 25% de la population active est au chômage et, bien sûr, les Noirs forment le gros de ces sans-emplois.  

 

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Intégration difficile des immigrés congolais. Si le premier obstacle à l’intégration est à situer dans l’histoire troublée du pays, le deuxième, lui, est le fait des immigrés eux-mêmes. Comment les immigres pourront-ils s’intégrer en si peu de temps, eux qui ne sont tant divisés entre eux ? Avant de porter la critique chez le voisin, dit-on, il vaut mieux commencer par balayer devant sa propre porte. Ce ne sont pas les exemples qui manquent en ce domaine.

 

 

Depuis plusieurs années, par exemple, beaucoup de communautes africaines installees en Afrique du Sud sont organisées. Ceux du Congo Brazzaville de Cape Town, par exemple, sont organisés en une association dont les membres cotisent mensuellement une somme dérisoire d’environ R20 et R40. Ce montant peut aider, disent certains qui ont été interrogés, "afin de nous donner les moyens d’intervenir au cas où l’un d’entre nous serait dans des pétrins (immigration, maladie ou autre) afin de louer les services d’un avocat local par exemple".

 http://a404.idata.over-blog.com/0/52/28/82/2011-PART-1/FROM-16.05.2011/CHEIKFITANEWS-TSHISEKEDI-JOBOURG.jpg

 

Rien de pareil n’existe parmi les congolais "d’en face". Il y a peu, un immigré  rd congolais nous déclarait que reconnaissait que "la plupart de cas d’escroquerie dont sont victimes nos concitoyens sont le fait d’autres congolais".

 

 

Qu’en est-il de l’entraide inévitable entre immigrés ? À cause de nombreux abus dans le passé, une loi non écrite est en vigueur au sein de la communauté notre communauté : " Badefisaka congolais mbongo na Afrique du sud te !" (Traduction : il vaut mieux ne pas prêter de l’argent à un congolais d’Afrique du sud) puisque, ajoute un compatriote lésée plusieurs fois, " il ne vous le rendra pas à temps au mieux, et au pire ne vous le rendra même pas" !

 

 

 

Issus des différentes ethnies dont certaines se haïssent à ce jour, d’autres se sont fait la guerre, appartenant ou sympathisants à des formations politiques opposées dont le litige non réglé des élections présidentielles de novembre 2011 a accru le gouffre et la méfiance, venant d’un pays où les antivaleurs ont remplacé les normes d’éthique, les émigrés rd congolais éprouvent tant de mal à parler d’une seule voix.

 

 

Dès lors, on aurait tort de minimiser tout déficit d’intégration, quelle qu’en soit la raison. Lorsque les émeutes des banlieues ont éclaté à Paris (2005) et à Londres (2011), leurs auteurs, ces jeunes des banlieues victimes de la précarité, ne s’en sont pas pris aux immigrés vivant dans leur pays, quoique confrontés – toute chose restant égale par ailleurs – aux mêmes défis que les jeunes sud-africains. Au contraire, leur colère fut dirigée contre les symboles du système qui les "opprimait" (la police, les bâtiments publics, etc.).  La différence réside dans le fait que nombre de ces jeunes chômeurs européens sont eux-mêmes des descendants des générations d’immigrés et de ce fait, intégrés au sein de leur nation. En Afrique du sud par contre, l’immigration n’y est qu’un phénomène récent.

 http://www.ouest-france.fr/sites/default/files/styles/image-article-detail/public/2013/09/26/un-mort-dans-les-emeutes-londres_2.jpg

 

Ces facteurs endogènes, auxquels s’ajoutent les conditions sociales précaires des Noirs, lesquelles sont perçus par ceux-ci comme une injustice, n’expliquent pas à eux seuls l’apparition, l’ampleur et la persistance de la xénophobie au pays de Mandela la communauté immigrée qui y vit, quoique de façon implicite, a sa part de responsabilité. Cela fera l’objet de la deuxième partie de cet article.

 

 

 

"Afrique du Sud: Regard au cœur de la xénophobie", paru le 17/12/2013 sur ce blog.

“Boers Noirs”: qualification ironique des Noirs ayant accédé au statut social élevé et qui mènent la vie des Boers, anciens colonialistes, aux dires de certains.

 

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20 décembre 2013 5 20 /12 /décembre /2013 06:29
cpt08 e.ngeleka
 
Je suis un passionné de photographie. S’il est un métier dont je rêvais depuis l’enfance, c’est d’être photojournaliste. Avec le temps,  j’ai certes pris des cours de photographie et de Photoshop, mais juste comme hobbies.  J’aime photographier des lieux mais surtout les gens dans leur quotidien, sans fioritures. Ceci est un récit d’une photo presque banale prise il y a quelques années dans un train sur la ligne Cape Town-Mwizenberg, en Afrique du Sud.
 
C’était courant 2008. Je revenais de la Bibliothèque Centrale de Cape Town vers 14h00, site historique ici puisque c’est devant lui que Nelson Mandela s’est adressé pour la première fois au public à sa sortie de prison en 1989. J’ai donc pris le train, assis sur la banquette jaune à côté d’une fillette d’environ 4 ans qui ne cessait de gesticuler.  A cette heure-là, la voiture était aux trois quarts vide. Concentré dans la lecture d’un livre, je ne pouvais pas porter mon attention sur elle.
Elle posa sa tête sur mon épaule, l’air fatiguée. Etant un "familyman", son geste m’émut et c’est alors que je me retournais vers elle, lui sourit. Je vis que ses mains étaient attachées à une ceinture qui la reliait à une jeune dame assise à sa droite. Comme... un chien! Cela me parut insolite et bizarre.
Je me tournais vers la dame, une métisse appelée ici "coloured" [prononcez "kalat"] ou gens de couleur, et lui demandais avec un sourire jaune, partagé entre la surprise et l’embarras :
" Excusez-moi, heuh… pourquoi l’attachez-vous ainsi ? "
 
La dame me toisa, comme cherchant à m’identifier. Sans doute se rendit-elle compte que je ne suis pas un des Noirs sud-africains avec lesquels les "coloured" n’entretiennent  pas de relations amicales. Apparemment rassurée, elle me dit ensuite: " Vous n’êtes pas d’ici ou quoi ? Vous ne lisez pas les journaux ? " Elle semblait étonnée de mon étonnement.
 
" Si ", lui répondis-je, lui présentant mon exemplaire du quotidien "Cape Argus" pris dans mon sac-à-dos.
 
"Alors dans ce cas, vous devriez savoir que Cape Town est la première ville du pays où le taux de criminalité contre les enfants est le plus élevé". Elle avait raison.
  Les statistiques en cette matière font froid au dos: en 2008, Cape Town est la ville numéro 1 en matière de criminalité.
" Ça, je sais ", fis-je, un peu embarrassé de l’ennuyer avec mes questions comme si j’étais dans un reportage journalistique. Mes yeux se dirigèrent alors vers les mains attachées de sa fille. La dame vit mon geste et regarda, elle aussi, les mains de sa fillette.
  http://media-cdn.tripadvisor.com/media/photo-s/00/1e/14/72/table-mountain.jpg
Au dehors, nous nous approchions de la station Salt River et le " Table Mountain ", cette chaine de montagnes célèbre ressemblant à une table, et qui constitue une des grandes attractions touristiques de la ville, resplendissait. Je sortis mon appareil photo et l’immortalisa pour la énième fois, tellement je ne me rappelle pas le nombre de fois que j’ai photographié cette montagne.
 
La mère balança les bras et les épaules avant de dire : "Vous savez, c’est le prix à payer dans cette foutue ville pour que votre enfant ne vous soit pas enlevé ou violé. Pour ma part en tout cas, je préfère la voir ainsi, même attachée comme un chien. Je ne vais pas quand même mettre ma confiance entre cette Police corrompue et incompétente !". Les habitants de Cape Town, surtout les Blancs et les Coloured, ne portent pas la leur Police dans leur cœur…
 
Elle le dit avec autant de force que je me sentis mal à l’aise. "Tu es un étranger dans ce pays et l’enfant n’est à toi. De quoi te mêles-tu ?", me dis-je silencieusement. Elle n’avait pas des comptes à me rendre, après tout…
 
" Euh, permettez-vous que je photographie votre fille ? Je trouve cela insolite… disons c’est la première fois que je vois ça", balbutiais-je.
 
Elle jeta un coup d’œil à sa fille, lui arrangea une mèche rebelle avant de me lancer. "Vous pouvez y aller, si vous voulez".
 
Je ne me fis pas prier et pris deux ou trois poses, tandis qu’elle se tournait son regard à côté pour ne pas être vue. Je m’attendais à ce qu’elle me dise par après " Voyons un peu comme ma fille apparait dans la photo ”. Mais elle n’en fit rien.
Elles descendirent à la station Newslands, tenant sa fillette par l’épaule. Celle-ci me sourit furtivement, comme si elle ne voulait pas que sa mère la voie.
 Je voulus me remettre à lire mon livre mais ne pouvais me concentrer, étonné de ce que je venais de voir et me demandant sans cesse: " mais où va ce monde ?"
 
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18 décembre 2013 3 18 /12 /décembre /2013 08:29

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Plusieurs études pertinentes sur les causes économiques de la xénophobie au pays de Mandela ont été publiées. Cependant, pour avoir été à la fois témoin oculaire et en avoir fait un thème de recherche depuis quelques années déjà, nous soutenons qu’il en existe d’autres qui n’ont pas suffisamment retenu l’attention des chercheurs, journalistes ou analystes. Ceci est le premier d’une série d’articles qui en comprendra quatre.

Le souvenir des troubles liés à la xénophobie  de mai 2008 en Afrique du Sud, lesquels firent un bilan de 62 morts et des centaines de blessés, sans parler du traumatisme créé chez beaucoup d’immigrés, est encore présent dans la mémoire de beaucoup. Certes, plusieurs études ont été publiées depuis, des forums organisés à travers le pays, des campagnes de sensibilisation menées à la fois pour comprendre, s’expliquer  ou simplement conjurer le drame. Cependant, seule la naïveté donnerait à penser que ces évènements-là ne furent qu’un simple feu de paille. Au contraire, les causes profondes de cette tragédie sont intactes et nous gagnerons à les identifier.

Les évènements incriminés sont le fait de plusieurs facteurs enchevêtrés que nous subdiviserons en deux causes majeures pour des raisons pratiques. La première, que nous examinerons dans cet article-ci et le suivant, est à situer dans l’histoire même du pays, c’est-à-dire dans le contexte interne. Les éléments ci-après l’expliquent: l’isolement des citoyens Noirs par rapport à la communauté immigrée, le déficit d’instruction de certains autochtones, une histoire marquée de bout en bout par la violence et le fait que l’immigration africaine au pays de Mandela est un phénomène récent.

L’isolement des Noirs sud-africains face aux immigrés africains. Les Noirs sud-africains voyagent peu à l’extérieur de leur pays. D’ailleurs leur connaissance de l’Afrique est sommaire, se limitant souvent … au Zimbabwe ! Cette attitude ne traduit cependant ni un manque d’intérêt à l’égard du continent Noir ni un rejet de celui-ci. C’est que voyager à l’intérieur de leur territoire national n’est pas très prisé par eux. Par exemple, peu de Xossa  originaires du Cape Oriental vivent dans la province du Gauteng (région comprenant Johannesburg et Pretoria). Les Zulu du Kwazulu Natal (côte Est du pays) quant à eux, ne sont pas légion au Cape Occidental (situé au Sud-Ouest). Il est intéressant de noter que l’exode rural se fait généralement en partant du village d’origine vers le grand centre urbain de la même province et rarement loin de chez soi. Les conditions économiques favorables des grandes villes locales et des métropoles comme Johannesburg et Cape town ont longtemps favorisées cette sédentarisation.sa.jpg

 

Cette faiblesse de flux de populations autochtones à travers le pays ne peut être sans conséquences. Ceux qui franchissent rarement les limites géographiques de leur contrée d’origine se montrent  réticents à s’ouvrir aux étrangers auxquels ils ne sont pas habitués. Que des hordes des xénophobes aient déferlé des townships plutôt que des quartiers huppés de Johannesburg ou de Cape Town n’indique pas uniquement que la précarité de ces jeunes Noirs est le seul facteur sous-jacent. Il s’agit aussi du rejet de ˮ l’étranger ˮ (concept entendu dans son sens premier : qui provient d’ailleurs, donc différent quelqu’un auquel on ne s’identifie pas, par conséquent pour lequel on n’éprouve pas de la sympathie).

 

Si nous ajoutons à cela le fait que très peu d’immigrés habitent les townships, lieu où résident nombre de ces Noirs, on comprend l’ampleur de l’éloignement géographique entre deux communautés vivant pourtant côte-à-côte. Les contacts entre ces deux communautés sont très réduits, sinon se limitent a l’essentiel. Demandez à un Black s’il a un ami étranger et il y a beaucoup de chance qu’il vous demande ainsi: " mais pourquoi en aurais-je? Il devrait plutôt rentrer dans son pays "!

 

ˮ Dis-moi quel est ton niveau d’instruction et je te dirais si tu es xénophobe ˮ. Il est hors de doute que le système éducatif sud-africain est l’un des plus brillants d’Afrique, même si les journalistes et ONG locaux n’en tarissent pas d’éloge. Pour preuve, il n y a qu’à voir comment  les universités de ce pays caracolent en tête des classements annuels des meilleures universités du continent. A l’intérieur du pays cependant, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, nombre de jeunes Noirs provenant des townships ne sont que des laissés pour compte et ont du mal à fréquenter régulièrement l’école, pour des raisons économiques ou autres (éclatement de la cellule familiale à la suite d’un divorce des parents, toxicomanie, choix de la criminalité, parents au chômage, etc….).imagesCA3EIN8J.jpg

Or une bonne instruction a l’avantage de rapprocher les cultures différentes en  les percevant plutôt comme une opportunité ou une richesse qu’une menace à sa propre identité. Avec le temps, une personne instruite conçoit la vie  non pas avec un esprit étroit mais sous le prisme de tolérance et d’ouverture. D’ailleurs, notre perception du monde extérieur dépend pour beaucoup de notre niveau d’instruction.

Il n’est donc pas étonnant que ce soient des Noirs sud-africains instruits qui organisèrent les  campagnes de sensibilisation anti-xénophobie à travers le pays. Ce sont encore eux qui se sont montrés plus sympathiques à l’égard des victimes. Pareillement, c’est dans la frange des moins instruits que se trouvent ceux qui tolèrent mal la présence des immigrés qu’ils qualifient de  façon péjorative de ˮ makwere-kwere ˮ, insulte que rarement les élites sud-africaines. Dès lors, aucun doute n’est permis : plus l’instruction est élevée, plus tolérant l’on est. Et moins l’on est instruit, plus on est xénophobe. (A suivre).

          

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17 décembre 2013 2 17 /12 /décembre /2013 10:27

 

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La "radio-trottoir" est en RD Congo ce que l’air est à un être humain : omniprésente.  On a beau la croire "plus puissante que l’internet", il y a lieu de s’interroger tout de même sur les raisons de l’attrait qu’elle a chez nos compatriotes.

Voici quelques mois une histoire a fait le tour de la ville de Goma (Nord-Kivu), provoquant la colère des "Gomatraciens", lesquels improvisèrent aussitôt une marche de protestation. Le Cdt  Mamadou Ndala qui dirigeait l’offensive des Forces Armées Congolaises (FARDC) contre l’ex groupe rebelle M23, disait-on, était rappelé à Kinshasa, ce qui trahissait l’intention du gouvernement d’empêcher la victoire de l’armée sur la rébellion. Courant 2009, on a assuré aussi que M. E. Tshisekedi, alors en soins à Bruxelles, était mort, ce qui suscita surprise et émoi auprès de beaucoup. Que dire de l’information selon laquelle le chanteur Defao aurait révélé que le chef de l’Etat servait à l’époque d’une de ses tournées  en Tanzanie comme simple taximan ? Inutile de dire que ces bruits, qui ne reposaient sur rien, ne se sont révélés que comme rumeur sans fondement, même si certains continuent d’y croire dur comme fer.

Depuis la nuit des temps, les histoires abracadabrantes ont le don de fasciner, et on a tendance à les propager sans trop regarder à leur véracité ni aux conséquences. Il faut reconnaitre également que nous ressentons une excitation beaucoup plus grande à écouter des propos négatifs que ceux qui sont constructifs. Mais qu’est ce qui explique cet attrait du congolais pour la rumeur ?

Partout où les activités des gouvernements et des autorités sont secrètes, la rumeur fleurit. Dans son livre "La rumeur d’Orléans", le sociologue Français Edgar Morin reconnait que "dans les régimes totalitaires, le monde du « non-dit » se répand, véhiculant l’information juste ou imaginaire". Un exemple. Quel jour LD Kabila a-t-il été assassiné, était-ce le 16 ou le 17 janvier 2001 ? Le 16 en tout cas, le ministre de l’intérieur Gaetan Kakudji déclara à la télévision que l’état d’urgence suivant l’attaque de la résidence du chef de l’Etat était décrété par "Mzee" en personne. Le ministre de l’information Sakombi Inongo accrédita cette thèse en soutenant pour sa part que "Mzee" était mort au Zimbabwe le lendemain de l’attaque. Cependant, ce qui est évident est que c’est le 16 janvier qui est commémoré au pays comme jour de la mort de LD Kabila.

Dans ces conditions, il devient difficile de croire aux informations officielles, et les gens, faute d’une source d’information crédible, se tournent vers la "radio-trottoir", la croyant mieux renseignée et surtout, plus véridique.

L’amateurisme des medias congolais nourrit la rumeur. Dans beaucoup de pays, les gens s’en remettent aux medias pour se renseigner. Cela s’explique puisque les journalistes – et non le commun des mortels – ont le droit et les moyens d’interroger les autorités quelles qu’elles soient, de mener des investigations, de recouper les informations afin que le lecteur (ou le téléspectateur ou l’auditeur) fasse la part entre l’information et la rumeur. Mais qu’en est-il chez-nous ?rumeurs.png

Il n’est pas moins vrai que la presse congolaise (généralement une presse à sensation), véhicule la rumeur. Et la critique qu’avait formulée le PM Lunda Bululu en son temps contre notre presse selon laquelle "ses titres sont grandiloquents mais ses arguments sablonneux" est autant vraie aujourd’hui qu’elle l’était hier. Il n y a qu’à voir comment les journalistes congolais s’en tirent par des formules trompeuses telles "selon nos sources" ou  l’abus de subjonctif du genre "il semblerait que" ou "il paraitrait que" avant de livrer une information tout aussi imaginaire que sensationnelle. Qui pourrait aujourd’hui prétendre devant un auditoire sérieux avoir lu telle nouvelle dans notre presse et être pris au sérieux ? Quel étudiant pourrait citer un de nos journaux dans un travail académique et convaincre ? Et pourtant, ce ne sont pas les écoles de journalisme ni des séminaires de formation qui font défaut en RD Congo.

On se serait attendu que nos compatriotes de la diaspora ayant accès à des institutions académiques plus professionnelles, sortiraient du lot et livreraient une information crédible dans leurs blogs ou sites web. Mais tout se passe comme si nous autres congolais ne pouvions pas faire dans la mesure, et comme si nous n’avions que deux choix à faire : le pouvoir ou l’opposition. Presque tous sont alignés sur des positions politiques tranchées et s’entredéchirent à coup d’injures et d’intox. Au final, c’est l’information qui est sacrifiée et la rumeur amplifiée. rumeur

Notre société est encore dominée plus par l’oralité que par l’écrit. Si depuis les indépendances notre pays compte sur le papier un nombre incalculable de diplômés d’université et des écoles supérieures, en réalité nos us et coutumes semblent ne pas avoir été influencées par cette donne. Comme à l’époque ancestrale, c’est l’oralité qui prime sur l’écrit. Il est un fait que le congolais lit peu (c’est un euphémisme) et dans nos maisons, s’il y a des bibliothèques, les casseroles y sont et non des livres. A l’ère de la blogosphère, d’une façon générale, le congolais a l’air d’un nain tant de par sa participation que de par la consistance de ses idées. 

Ainsi, tant que les gouvernements ne seront pas enclins à dire la vérité aux populations, et que notre presse se caracterisera par le manichéisme et l'amateurisme, et tant que notre enthousiasme envers la lecture ne sera ce qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire insignifiant, la rumeur aura des beaux jours devant elle. Et comme l’avait déclaré l’ancien diplomate Français à Kinshasa à RFI (de façon peu diplomatique, il est vrai), notre pays demeurera " la République des rumeurs ", dans lequel, au lieu de nous interroger sur la crédibilité d’une information reçue, nous objecterions simplement en disant: "y a-t-il jamais de fumée sans feu ?"

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12 décembre 2013 4 12 /12 /décembre /2013 08:29

 

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Comme il est étonnant que Durba, cette bourgade du Haut-Uélé blottie à 560 km de Kisangani et située à 150 km à l’Ouest de la ville ougandaise d’Arua, est en passe de devenir l’une des grandes places minières du continent grâce au Projet KibaGold. Mais combien sont-ils parmi ses nombreux habitants d’aujourd’hui qui savent que son passé n’a pas toujours été que rose ?

Il y a à peine une décennie, c’est justement à cause de cet or de la région que des milices rivales se sont livrées une guerre sans merci en vue du contrôle de ses riches gisements, laissant au passage un nombre incalculable de tués et de blessés. Avant cela, entre 1998 et 2000, c’était au tour du virus de Marburg d’ôter la vie à des centaines de "nzengeneurs", ces chercheurs d’or venus de Watsa ou d’ailleurs.

En écoutant les gens parler ces jours-ci, l’un des sujets à l’ordre du jour c’est la fréquence de cas d’empoisonnement. Des hommes et des femmes s’en plaignent. Les travailleurs ne sont pas en reste. Les vendeurs de " l’antidote" semblent faire de bonnes affaires. Voilà ce qui nous a poussé à nous entretenir avec un jeune médecin local, Beston Mutamba Kitenge, 32 ans, afin d’en savoir plus. Cependant, nous ne faisons qu’ouvrir un dossier sur lequel nous reviendrons. Ci-dessous l’interview.

 

Q. Docteur, quelles sont vos informations en rapport avec les malades qui souffrent d’empoisonnement à Durba?

Je reconnais que c’est un problème qui se pose dans notre société. Malheureusement nous ne disposons  pas de statistiques ni de médicaments appropriés pour contrer ce mal.

Q. Dans quel état les malades se présentent-ils chez-vous ?

On ne peut pas dire qu’il existe des symptômes spécifiques puisque les cas se présentent sous des tableaux différents.

Q.  Voulez-vous être plus explicites ?                                         http://photos.wikimapia.org/p/00/02/74/13/33_full.jpg 

Ce sont pour la plupart ceux que nous appelons des  malades grabataires ou "malades graves" : très affaiblis, ils souffrent d’amaigrissement, certains vomissent avec persistance, ils ont une diarrhée chronique, parfois le hoquet voire même le vertige. Néanmoins, je peux déceler des constantes : ils ont mis du temps à    nous joindre, parfois sont passés par deux ou 3 centres médicaux avant de venir là où nous sommes. D’autres par contre sont allés auprès des tradi-praticiens auparavant.

Q. Que leur prescrivez-vous ?                                                                         

En principe la première chose c’est la réanimation médicale [perfusion] pour remonter l’état général du patient. Mais contre toute attente nous nous heurtons à un refus de leur part.

Q. Qu’est-ce qui justifie pareille attitude ? Mais pourquoi donc se rendre dans un centre médical et une fois-là refuser les soins prescrits par le personnel soignant ?

Quelqu’un qui se croit empoisonné ne peut pas accepter d’autres soins, à part ceux auxquels il s’imagine avoir droit. Dans beaucoup de cas ce sont les membres de la famille du patient qui s’interposent. On nous dit : " ne lui donnez pas du sérum, autrement il mourra " ! Pour le malade (s’il est en état de s’exprimer), pour sa femme ou d’autres parents, c’est l’empoisonnement qu’il faut traiter et non autre chose !

Q. …et l’empoisonnement, dans son entendement, ne se traite pas avec du sérum….

C’est exact. La mentalité est ainsi.                                                                           imagesCAMT0HJR.jpg

Q. Voyons : pourquoi pensent-ils d’abord à l’empoisonnement ?

 Probablement à cause des symptômes digestifs comme le vomissement et la diarrhée, sans oublier l’asthénie physique et l’epigastralgie comme ils estiment avoir bu ou ingurgité du poison.

Q. Vous vous trouvez donc devant un cas d’un malade qui refuse le traitement…

Il s’agit d’abord d’un refus du diagnostic. C’est la conception négative du patient (ou de ceux qui nous l’amènent) qui influence son comportement. Ils sont plus que sûrs que c’est bel et bien un cas d’empoisonnement.

Q. Mais que veulent-ils en réalité ?

Ce qu’ils veulent c’est un antidote contre l’empoisonnement et ils savent que le sérum ne l’est pas.

Q. Mais pourquoi donc leur prescrivez-vous du sérum ?

Je vous ai dit qu’à leur arrivée ils sont dans un mauvais état général. Ils ont besoin de se reconstituer des forces et le sérum s’impose. En plus, tout liquide que nous avalons s’élimine par voie urinaire. En prescrivant le sérum, le poison pourrait s’éliminer. Je sais par des symptômes que ce ne peut pas être l’empoisonnement mais pour faire accréditer la thèse de l’empoisonnement, dès lors je leur dis que le sérum peut aider à évacuer le poison…

Q. Ce que vous vous trouvez à négocier avec les malades pour qu’ils acceptent les soins sensés les guérir eux-mêmes!

En fait je m’applique à la communication pour le changement du comportement du malade,  afin que le malade accepte le traitement proposé. Dans le cas où il accepte le sérum ("puisqu’il pourrait éliminer le poison"), un grand pas est déjà franchi car le patient n’a plus l’idée  erronée selon laquelle "le sérum tue". Ensuite, après avoir fait faire les examens de laboratoire, je le mets sous un traitement spécifique selon les résultats de tests qu’il a effectués.

Q. Et quel est ce "traitement spécifique"?

Les faits démontrent que 80% des cas présumés d’empoisonnement ne le sont pas. En lieu et place de ceci, il s’agit du VIH. Les 20% restant sont des cas de fièvre typhoïde, de méningite, de tuberculose ou même de paludisme grave.

Q. Au fond n’ont-ils pas raison d’émettre des réserves sur votre "obstination" de vouloir soigner autre chose que l’empoisonnement d’autant, vous l’aviez reconnu vous-même, ils sont passés par d’autres centres de santé. Peut-être leur a-t-on dit là-bas qu’il s’agissait bel et bien du poison, non ?

Les symptômes trompent rarement. Cependant, cela peut s’expliquer ainsi : soit le personnel médical d’où les patients sont passés a identifié la maladie mais a manqué de courage pour le lui révéler, soit le corps médical était ignorant et n’a pas pu savoir de quoi il en était.

Q. Comment donc : manquer de courage pour parler et dire la vérité au malade à propos de son mal ?

La communication du diagnostic au malade n’est pas chose facile toujours car il arrive que le personnel soignant pense qu’il s’agit d’un secret professionnel!

Q. Tout se termine donc bien avec les malades ?                                                            GF.png

Détrompez-vous ! Il y en a bien sûr qui finissent par accepter le diagnostic et prennent le traitement leur administré. Mais d’autres refusent et quittent le centre médical pour chercher un personnel plus compétent à ses yeux, ou carrément retournent chez le tradi-praticien !

Q. C’est-à-dire celui qui soignera l’empoisonnement ?

Aux yeux de ceux qui pensent ainsi, oui. Ce dont il faut se rappeler est que tout ce que recherche un patient qui vient à l’hôpital c’est de recouvrir la santé.

Q. Le personnel médical se trouve donc face à un dilemme.

Je crois qu’en RD Congo nous avons un problème d’éducation sanitaire à faire. Nous savons donner des soins curatifs, c’est-à-dire soigner les malades. Mais qu’en est-il des soins préventifs ? Par exemple vous verrez un patient qui vous dit qu’il a été opéré. Demandez-lui de quoi a-t-il été opéré et des fois il vous dira simplement "puisque je souffrais". En réalité il ne sait pas de quoi il a été opéré. Il ne sait pas pourquoi il est entré dans la salle d’opération car son médecin traitant n’a pas jugé bon de le lui dire ! C’est à ce niveau-là que nous devrions aussi fournir des efforts.

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9 décembre 2013 1 09 /12 /décembre /2013 07:38

 

http://reluctantmom.files.wordpress.com/2012/08/120817_mandela.jpg 

Lorsque le président Jacob Zuma a annoncé le jeudi 05 décembre 2013 en direct de la télévision le décès de Nelson Mandela (1918-2013) à l’âge de 95 ans, ce ne sont pas seulement des millions de ses compatriotes que la triste nouvelle a jeté en émoi, eux dont l’affection à l’endroit du vieux leader antiapartheid était proche de la vénération. Et ce ne sont pas non plus seulement des millions de téléspectateurs du monde qui avaient appris à aimer cet homme affable et humble, puisque sa notoriété avait dépassé les frontières du continent, qui s’en sont émus. Des milliers d’immigrés africains résident en Afrique du Sud retiennent eux aussi, leur souffle, mais pour une autre raison : ils sont inquiets.

 

Aux dires de beaucoup, la mort de l’ancien leader antiapartheid ouvrirait la voie à une chasse réglée des émigrés. Voilà ce qu’écrivait il y a peu l’hebdomadaire parisien ˮ Jeune Afrique ˮ au terme d’un reportage dans le quartier le plus " africain " de Johannesburg , Yeoville, là où vivent de nombreux immigrants venus du Congo, Cameroun, Gabon, Zimbabwéens, Nigérians, Ethiopiens, Erythréens, etc.

 

Il faut reconnaitre que les stigmatiques des violentes attaques à caractère xénophobiques contre les immigrés africains de 2008 au terme desquelles plus de 60 personnes sont mortes sont encore dans les mémoires de nombre d’immigrés en Afrique du Sud, dont les Congolais notamment. Cependant, il y a lieu de s’interroger : qu’est-ce qui pourrait justifier pareille assertion ? Quel lien existerait-il entre Nelson Mandela et la xénophobie dans son pays? xeno-sa-pic-copie-1.jpg

 

La chaine de télévision France24, qui avait, elle aussi, mené une enquête cette fois-ci parmi les immigrés africains de Sunnyside (Pretoria) à l’époque où l’ancien leader Noir avait été hospitalisé, répond ainsi: " beaucoup d’émigrés voient en lui [Mandela] le gardien moral de la nation qui a évité jusqu’à présent un conflit interne à son pays ". Même après cette réponse, des interrogations demeurent : Puisque la xénophobie n’est pas dirigée contre les citoyens sud-africains mais contre les étrangers qui n’ont jamais fait des représailles contre leurs bourreaux, y a-t-il lieu de parler ici d’un "conflit interne" que Mandela éviterait à " la nation arc en ciel "?  Quel crédit peut-on accorder à cette opinion?

 

Les immigrés interrogés font écho aux rumeurs plutôt qu’à une source d’information sûre. L’article de Jeune Afrique autant que le reportage de France24 ont l’avantage d’être bien écrits et de révéler l’opinion d’une partie d’immigrés africains. Cela dit, il n’est pas difficile de déceler cependant une faille de taille : ils se bornent à n’interroger que les personnes concernées et premiers ˮ destinataires ˮ de l’information (les émigrés Congolais de Yeoville pour "Jeune Afrique" et les africains de Sunnyside pour "France24"). En aucune fois il est fait mention d’un autre son de cloche, c’est-à-dire de la version des autochtones. L’envoyé spécial du journal précité à Johannesburg ni le reporter de la chaine de télévision Française n’ont pas jugé utile de mener une contre-enquête afin de vérifier la véracité de ces allégations que ce soit auprès des sud-africains vivant à Yeoville et à Sunnyside, ou mieux encore les autorités gouvernementales ni non plus les ONG des Droits humains ou d’autres qui sont pourtant très nombreux et militent sur le terrain de la défense des immigrés. La version des "accusés" n’a pas été entendue. Ceux-ci n’ont pas eu droit à la parole. Mais faudrait-il croire ceux qui ont été interrogés ?

 

Or quiconque connait les relations qu’entretiennent les immigrés africains et les autochtones (Les Blacks) - si relation il y a-  se rappellera que les deux communautés se regardent en chien de faïence, elles se croisent seulement mais communiquent peu, très peu même. Voilà de quoi donner naissance aux préjugés qu’un journaliste professionnel ferait mieux de vérifier pour se faire une opinion de par lui-même. Pour preuve, le reportage de France24 cite les propos d’un jeune Camerounais de 30 ans, nommé Martial, lequel tient une boutique à Sunnyside, ce quartier de Pretoria où s’agglutinent nombre d’immigrés Noirs et asiatiques. Il déclare que "les Sud-Africains (Blacks) parlent parfois dans des dialectes que nous ne pouvons comprendre. Ils le font pour nous mettre mal à l’aise" !

 

Si un autochtone parle une "langue incompréhensible" à un immigré, quoi de plus normal ? Ils parlent Zulu, Xossa, Venda ou Sotho puisque ce sont leurs langues. Devrait-on s’attendre à ce qu’ils s’expriment dans les langues des étrangers ? Ils s’expriment comme un  autre le ferait, non pas pour mettre quiconque "mal à l’aise", mais juste pour communiquer ! Les étrangers ne feraient-ils pas mieux de s’efforcer d’apprendre ces langues ? Mais combien d’immigrés parlent-ils les langues locales des Blacks ? On l’aura remarqué : un point de vue négatif peut amener quelqu’un à émettre un jugement erroné, car bâti sur une erreur de jugement, en d’autres termes, basé sur des préjugés. Delà à imaginer les mêmes Blacks attaquer les "foreigners" après la mort de Mandela, il n y a qu’un pas vite franchi !

 

Ne pas interroger les personnes auxquelles on reproche de nourrir des sentiments xénophobiques fausse la valeur de ces deux reportages. Ne pas avoir songé à interviewer les autorités du pays à propos d’un sujet si important ou les membres des ONG des Droits humains revient à se contenter des rumeurs comme information. D’ailleurs qu’est-ce qui nous dit que les opinions des immigrés interrogés sont représentatives de leur communauté ?

 

La xénophobie en Afrique du Sud n’est pas liée à la présence d’une autorité politique ou non. Selon les propos des émigrés interrogés, "après la mort de Mandela, ils ont dit qu’ils vont nous chasser". Mais aucune justification n’a été présentée pour soutenir cette assertion. Du coup, l’on peut se demander en quoi la présence ou non d’un individu – de surcroît Mandela – provoquerait-elle ou empêcherait-elle ces troubles-là. Ne serait-on pas en train d’exagérer l’autorité morale qu’il exercerait ? Etait-il absent du pays en 2008 lorsque le pays s’est embrasé, les tués s’étendant de Johannesburg à Cape Town en passant par Durban et Mpumalanga ? Pourquoi à l’époque ne les avait-il pas empêchés ? En quoi les a-t-il empêchés de son vivant ?  Africa-Zuma-with-microphone.jpg

 

Dans les années qui ont précédés l’arrivée au pouvoir de Jacob Zuma, il se racontait dans les rues de Yeoville ou de Cape Town que celui-ci," une fois au pouvoir, chasserait les émigrés africains", assertion depuis longtemps démentie par les faits par cet homme qui a passé la plus grande partie de ces années d’activistes de l’ANC sous l’apartheid dans les pays d’Afrique Centrale et australe.

 

L’Afrique du Sud a une image et des intérêts importants en Afrique qu’elle ne tient pas à perdre. Souvenez-vous qu’en mars 2011, lorsque l’expulsion à l’aéroport O R Tambo de Johannesburg des 123 voyageurs nigérians pour cause de présentation d’une carte de vaccination contre la fièvre jaune " peu fiable" a donné lieu aux mesures de rétorsion de la part du gouvernement nigérian, le vice-ministre des relations extérieures s’est empressé de présenter des excuses publiques, avant d’effectuer une visite à Abuja pour rencontrer les autorités nigérianes. Celles-ci, furieuses, avaient déclarées que c’était "une mesure xénophobique". De mémoire, le gouvernement sud-africain n’avait jamais agi ainsi dans le passé. Ce sont les intérêts économiques et politiques à préserver au Nigeria qui ont justifiés cette démarche étonnante. L’arrogance et le silence n’avaient pas de place.

 

Qu’en est-il de la RD Congo ? Les intérêts économiques sud-africains ne sont pas moindres, sans parler politiques. Le président Zuma a pesé de son poids pour que l’Onu décide de l’envoi d’une Brigade d’interposition entre le Rwanda et notre pays "pour préserver la paix à l’Est de la RDC". Sur le plan économique, le projet du barrage hydroélectrique d’Inga dont l’accord d’environ 11 milliards de $ a été signe à Kinshasa en octobre dernier représente un marché important pour l’Afrique du Sud. Il produira 4800MW d’électricité, dont 2500MW iront en Afrique du Sud.

 

Dans le domaine minier entre autre, RandGold est propriétaire à 45% de la mine KibaliGold, dont les autres partenaires sont respectivement AngloGold Ashanti (45%) et Sokimo (10%). Ce site de 1836 km2 situé à 560 kilomètres de Kisangani et 150 km de la ville d’Arua en Uganda est "le plus grand projet minier obtenu à ce jour par RandGold" et classé parmi les premières mines d’or en Afrique avec des réserves de 10 millions d’onces voire plus. Ce sont des centaines de Sud-Africains de toutes les races (Blancs, Blacks et coloured) qui y travaillent. Faudrait-penser que le gouvernement sud-africain voudra perdre ces marchés importants auxquels sont liés les entreprises locales (lesquelles paient d’énormes taxes à son gouvernement et procurent du travail à plusieurs de ses compatriotes) pour plaire aux caprices des xénophobes ? Il est permis de douter.

 

Que conclure ? Certes l’hostilité des Noirs sud-africains à l’endroit des immigrés africains ne s’estompera pas de sitôt. Mais personne ne devrait croire qu’elle dépend de la présence ni de la disparition de Madiba. Elle a plusieurs causes sur lesquelles nous reviendrons dans l’un de nos prochains articles. Mais soutenir que le décès récent de Nelson Mandela attiserait  ces troubles, c’est forcer un peu trop la note.

 

ˮ Xénophobie Afrique du Sud: les Congolais de Yeoville s’inquiètent de l’après Mandela ˮ in www.jeuneafrique .com du  14/06/2013

“Mandela fate stirs anxiety among S. Africa immigrants” in www.france24.com du 30/06/2013

 

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